De l’art de soigner son entrée

En cette soirée du 25 janvier 2024, je me promenais librement sur X, n’utilisant que très peu le mode Abonnements, l’onglet Pour vous est au fil du temps, devenu un ami fidèle et parfois pénible (de la même manière que cet ami qui ne comprend pas l’anglais mais arrive à regarder une série en VO alors que les accents sont à couper au couteau), ce soir-là, cet onglet m’a donc, sans le faire exprès (enfin, les algorithmes et leur désirs, on sait tous ce qu’il en est), proposé en tête de gondole un article aussi surprenant que fameux, n’étant pas du genre à m’enflammer pour un rien (enfin, si), j’ai donc parcouru, ce qui, après plusieurs lectures, m’apparait comme un concentré de poncifs usés et obsolètes, de simplicité intellectuelle et de manque de hauteur sur bien des sujets, cet article, en voici le synopsis ci-dessous :

Je préfère les tulipes aux bitcoins - La Presse+

Mais alors, que nous dit cet article ? Petit plongeons dans ce qui ressemble (à mes yeux) à la culture de la mauvaise foi.

Mr Tulipe au pays des bulles

Dit de cette façon, je passe pour un prétentieux, que dis-je, un gosse mal-élevé mais allons plus loin et voyons ce que nous dit Mr Tremblay :

Comme les tulipes au XVIIe siècle, les bitcoins sont emportés par une bulle, ce qui montre bien que la fièvre des spéculateurs est récente. Les tulipes mènent aujourd’hui une existence bien terre-à-terre, contentes d’êtres jolies et d’annoncer le printemps. Je cherche encore l’utilité des bitcoins.

Bitcoin et les tulipes, une vieille rengaine mais qui, en l’occurence, pourrait être vraie si l’on fait volontairement abstraction du fait que les tulipes se sont développées à une époque où le jardinage et l’horticulture étaient en pleine expansion, l’exotisme dominait le marché et avec l’avènement d’un commerce à grande échelle avec la Turquie (notamment via Constantinople / Istanbul, port international par excellence), il ne fallu pas longtemps pour que les cours européennes voient le petit bulbe comme de l’art voir l’essence du luxe.

Le hic de cette histoire se résume dans le fait (merci dame nature qui équilibre le tout) que les tulipes prennent du temps à voir le jour (environ 6 semaines après floraison) et vivent quelques jours, ce faisant, le marché n’arrive pas à équilibrer le problème d’offre - demande, si 20 acheteurs sont demandeurs en tulipes et qu’il n’y a que 5 tulipes disponibles, le marché s’aligne sur la demande en augmentant les prix, les plus offrants emportant la vente, les autres acheteurs renchérissent sur un autre marché et la spéculation faisant son affaire, le marché se tend, les prix augmentent et une bulle se créé tant que le ratio offre - demande n’est pas à l’équilibre.

Pour palier le manque d’offre sur le marché, les européens commencèrent à créer des contrats, l’idée étant d’investir / acheter une part des tulipes plantées afin d’être parmi les premiers à obtenir les fleurs lors de leur floraison. Le réel problème de tout ce montage se situe dans le fait que le marché étant humain (toute création humaine tend à devenir imparfaite), des contrats à long terme virent le jour et avec eux, des dérives qui menèrent à une surenchère d’investissement (notamment sur des bulbes non plantés), et ce, sans garantie sur les bulbes déjà plantés. De fil en aiguille, la spéculation (phénomène tout à fait naturel et auquel nous faisons face tous les matins en nous habillant) fit son affaire et l’équilibre se rompit, le ratio entre tulipes et contrats prit l’eau, les contrats ne pouvaient plus être honorés (notamment à cause d’une épidémie de peste bubonique qui paralysa une partie des horticulteurs) et la bulle spéculative implosa.

Ce type de situation n’est pas possible avec bitcoin pour la simple et bonne raison que ce dernier, non content de n’être que numérique (oui, on ne dit pas digital, sauf lors d’une visite médicale peu avantageuse pour votre postérieur), ne permet pas, de par son algorithme, d’influencer la quantité d’unité disponible, un bitcoin n’est disponible sur le marché qu’une fois qu’il a été miné (plus d’informations à ce sujet plus bas) et que son détenteur le rend disponible / souhaite transférer sa propriété.

De plus (et comme l’introduction récente d’ETF sur les marchés nous l’apprend), Bitcoin ne peut pas être soumis à la promesse de détenir des bitcoin(s) avant qu’ils aient été minés, en effet, le marché ne pouvant pas prédire qui validera les prochaines transactions via l’algorithme, la seule promesse pouvant être faite est que la quantité totale tende vers 21 millions, on pourrait bien évidemment parler du fait que qui contrôle les mineurs finira probablement par contrôler le marché (et donc, pourrait, théoriquement, prévoir l’arrivée et la vente de nouveaux bitcoin(s)), je ne fais pas partie des défenseurs de cette thèse, notamment pour des raisons économiques (qui pourrait contrôler plus de 51% du marché des mineurs quand ces derniers sont répartis de par le monde et sous différentes juridictions ?) mais ce sujet ayant déjà été abordé par des gens plus compétents que moi sur ce sujet, je ne m’étalerais pas sur ce dernier.

Pour compléter mon propos sur la limite de 21 millions d’unités (pour ce qui constitue les bitcoins, concernant les satoshis, l’équivalent des centimes, on parle de 100 millions d’unités par bitcoin) et pour être tout à fait transparent, ce total ne sera jamais atteint, en effet, l’algorithme derrière Bitcoin n’émettra jamais assez de bitcoin(s) pour atteindre les 21 millions, la limite pratique se situant donc autour de 20 990 000 unités (GrandAngleCrypto ayant abordé le sujet à de nombreuses reprises), il est donc faux (même si intellectuellement sucré) de comparer les tulipes aux bitcoins, du moins sur la partie émission (les tulipes n’ayant, en théorie, aucune limite).

Afin d’éviter un article à rallonge, je fais volontairement l’impasse sur l’erreur technique et confondante de l’auteur entre Bitcoin et Ethereum (ce qui en dit long sur les recherches de ce dernier mais passons) afin de me concentrer sur le dernier bloc lié au paragraphe cité plus haut :

En mars, quand la pandémie a frappé, il a d’abord perdu la moitié de sa valeur. Le bitcoin a récupéré le terrain perdu au cours du printemps, stagné durant l’été et explosé à l’automne. Depuis le creux de mars, son prix a été multiplié par sept !

En réalité, un bitcoin n’a jamais perdu (et ne perdra jamais) de valeur, là encore, l’auteur aurait dû continuer à explorer le sujet afin de découvrir que bitcoin n’a pas de valeur au sens “intrinsèque” (d’ailleurs, cette notion n’ayant pas plus de sens qu’un filet d’eau tiède, je l’utilise ici afin de “faire comme les grands”) que l’auteur essaie subtilement de glisser dans son texte, en effet, les bitcoin(s) s’échangent via un taux de change international et libellé dans la monnaie locale que son détenteur utilise via son pays actuel, en France, nous utilisons l’Euro et oui, en euros, lors de la crise de Mars 2020 (qui n’est, en vérité, pas réellement datée de 2020 mais plus de 2018 avec notamment la chute de l’Euro), le taux de change du bitcoin a chuté aux alentours des 3000 euros, ce qui signifie simplement que si le détenteur d’un bitcoin souhaitait échanger ses unités contre des euros, il aurait, effectivement, eu moins d’euros que quelques semaines auparavant.

Ce triste constat s’appliquant aussi aux détenteurs d’actions, qui, en quelques heures, ont vu leur portefeuilles chuter aussi vite que la démographie en Europe sur ces dernières années, triste constat n’est-ce pas ?

Si l’on souhaite discuter de valeur, il serait plus juste de parler des valeurs que Bitcoin promeut et permet dont le droit à la propriété réelle (personne ne peut vous déposséder de vos bitcoin(s)), l’impossibilité de censurer les transactions, le droit à tout un chacun de transférer ses fonds internationalement et ce, sans limites de frontières ainsi que l’émancipation économique des personnes n’ayant pas de compte en banque, le stockage de l’énergie dans le temps et l’espace et bien d’autres, cela peut sembler bien peu de choses, en effet.

Si l’on souhaite discuter de valeur “physique”, il serait plus juste de discuter de la transformation d’énergie que promeut Bitcoin, chaque unité minée étant un réceptacle à énergie permettant de la stocker sur le long terme de façon sécurisée et décentralisée (plus d’informations à ce sujet plus bas).

*A titre de comparaison, le CAC 40 (l’indice suivant les 40 plus importantes sociétés côtés en France) n’a pas fait de performances équivalentes sur la même période, bulle, spéculation, injection de monnaie délirantes ne suffisant pas, les épargnants français et internationaux n’ont donc pas fait aussi bien que la tulipe qu’est Bitcoin, amer constat.

PS: A ce sujet, Mr Khazzaka a produit un papier permettant de discuter de “valeur” (notamment lié à l’énergie) autour de Bitcoin.*

L’or, les bijoux et la virtualité de l’économie

Sautant d’un sujet à l’autre comme d’une chemise à un polo en été, Mr Tremblay continue sa démonstration en exposant que Bitcoin, n’existe pas réellement :

Contrairement à l’or, auquel on le compare parfois, le bitcoin n’a pas d’existence matérielle, aucune valeur intrinsèque et son usage est particulièrement limité. Pas de bijoux, ni même de plombages en bitcoin.